Shadow of the Torturer de Gene Wolfe

 

The Shadow of the Torturer de Gene Wolfe

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Severian est un tortionnaire, élevé depuis sa naissance au sein de la guilde de son métier. Peu de temps après avoir atteint le rang de compagnon, Severian commet une faute grave en donnant à une « cliente » le moyen d’abréger ses souffrances. En guise de punition, on l’expulse du « Citadel », énorme forteresse où sont basées toutes les guildes de « Nessus », ville capitale du royaume. Hanté par le souvenir d’une rencontre fortuite avec le hors-le-loi Voladus et de la châtelaine Tricis, la malheureuse cliente dont il est amoureux, il se met en route vers la ville provinciale de Thrax où il exercera désormais son métier. Shadow of the Torturer, premier tome de la tétralogie Book of the New Sun, voit Severian arriver jusqu’à l’enceinte extérieur de Nessus. Au terme du récit, nous l’apprenons dès le premier chapitre, Severian parviendra au trône.

    En filigrane du récit principale, un contexte historique, scientifique et politique complexe s’esquisse. L’histoire se déroule sur une terre future connue sous le nom de « Urth » ; l’humanité y est menacée par la mort progressive du soleil qui perd en luminosité d’année en année. À l’instar de leur soleil, la civilisation humaine paraît elle aussi être en régression. Le plus grand nombre vit dans des conditions prémodernes : On se déplace en carrosse, à cheval ou à pied ; les voyageurs logent dans des auberges où l’on dort à plusieurs dans des chambres insalubres ; on s’arme non pas de pistolets lasers mais d’épées et de dagues empoisonnées. Sur le plan politique, Nessus et les territoires environnants sont régis par l’Autarch, dictateur brutal et tout puissant qui a rassemblé toutes les grandes familles nobiliaires dans la « House Absolute », demeure fastueuse à la Versailles, sensiblement dans le but de les priver de leur autonomie. Or, malgré cette régression sociale, politique et scientifique apparente, les hommes sont aussi capables de grandes prouesses technologiques, dont le vol interstellaire, l’ingénierie génétique et le voyage temporel. On parle en plus de l’arrivée imminent, par on ne sait pas quel moyen, d’un nouveau soleil qui fera place à l’ancien dont les jours sont comptés. Croyance religieuse infondée ? Propagande politique ? Réalité scientifique ? Pour l’instant au moins (tome 1) rien ne permet de trancher la-dessus.

    Ceux qui s’y connaissent en classements des meilleurs romans de science fiction de tous les temps a sans doute entendu parler de The Book of the New Sun. Son auteur Gene Wolfe pour sa part fait figure de maître méconnu du genre – notamment, d’après une remarque de Ursula Le Guin très souvent citée aux quatrièmes de couverture des rééditions successives de BNS, Wolfe serait « notre Melville ». Le « nous » du « notre », c’est les amateurs et les auteurs de science-fiction. Il faudrait comprendre donc un éloge relatif, bien circonscrite, presque ironique – non pas que Gene Wolfe soit sur un pied d’égalité avec Melville en termes de talent littéraire, mais plutôt que l’auteur de BNS ait un style distinctif qui ne soit pas sans rappeler celui de Melville pour un lecteur contemporain (ayant lu Melville un peu au diagonal) lexique obscure, narration allégorique, œil anthropologique, tout est là en principe…

    Or, on sent au fond de tout cela un creux énorme qui se cache derrière cet étalage d’érudition. En réalité, la boite à outils littéraire dont Gene Wolfe fait usage est assez limitée. On se lasse rapidement de la voix du narrateur, celle d’un Severian plus âgé, qui ne cesse de souligner la non-fiabilité de sa mémoire et de l’incapacité de son moi de l’époque de prendre pleinement connaissance des conséquences de ses actions qui ne se réaliseront pas avant bien des années. Rien de très surprenant dans ce constat ; puis la non-fiabilité du narrateur, au moins jusqu’ici, n’a aucune véritable conséquence sur la narration des événements de l’histoire que se déroule de façon linéaire, sans véritable paradoxe produit par la divergence entre le point de vue du narrateur et celui de son moi de l’époque, comme n’importe quel roman réaliste. La narration est franchement monotone, monologique – on a très envie au bout d’un moment pour qu’un autre narrateur intervienne, prend le relais, concurrence ou se met en dialogue avec Severian. De plus, la prose de Gene Wolfe est extrêmement laborieuse. Il éparpille ses phrases de vocabulaire obscure qui en réalité est le résultat non pas par une maîtrise quelconque de la langue anglaise (comme chez Melville…) mais par la simple substitution de mots anglais par leur corollaire français. Les personnages se déplacent non pas en « carriage » mais en « fiacre » pour se rendre au « Cathedral » non pas « of the pilgrims » mais « of the Pelerines ». La grossièreté de ce stratagème d’étrangification linguistique suffit à lui même à gâcher l’expérience de lecture et d’empêcher le lecteur de se perdre dans l’univers de la fiction. Enfin, la représentation des personnages féminins rend le roman encore plus difficilement lisible et on s’étonne de ce que ULG ait pu prendre du plaisir à cette lecture. La « châtelaine » Thecla, Dorcas l’enfant malheureuse, Agia la traîtresse ne servent qu’à l’édification du personnage principale qui doit apprendre à maintenir séparées vie professionnelle et vie sentimentale.

    Somme tout, une expérience de lecture extrêmement décevant. Pas sûr de vouloir lire le deuxième tome de la tétralogie, « The Claw of the Conciliator ». À voir.


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